vendredi 5 février 2010

Reculer de 10 ans, est-ce avancer?

Plus tôt aujourd'hui, via Twitter, je réagissais à l'article de Nathalie Collard La réforme réformée publié dans Cyberpresse. S'en est suivi un échange entre elle et moi au sujet du bien fondé des changements proposés en éducation par la Ministre Courchesne. Je relate la partie publique de cette conversation et j'ajoute quelques commentaires. Je m'engage à publier toute réaction de Mme Collard à ce billet.


Le 5 février 2010 via Twitter

Benoit Petit écrit :

@NathalieCollard: «bonne nouvelle» en parlant d'un recul de 20 ans. Diriez-vous la même chose si on faisait un tel recul en médecine?

Nathalie Collard écrit :

@petitbenoit Recul? Absolument pas d'accord. Un correctif nécessaire. Et c'est la mère de deux enfants scrappés par la réforme qui le dit!

Benoit Petit écrit :

@NathalieCollard Drôle, moi j'ai trois enfants et ils ne sont pas «scrappés par la réforme»!

@NathalieCollard Développer des compétences, C'EST acquérir des connaissances (savoirs, savoir-faire, savoir-être) ET les mobiliser.

@NathalieCollard Ce n'est pas l'évaluation des compétences qui a amené «les activités bidons», c'est l'incompréhension de cette évaluation.

@NathalieCollard Souvent, l'évaluation dicte les activités d'apprentissage et non l'inverse. En réformant la «Réforme» ça ne changera pas.

@NathalieCollard Après 10 ans, d'autres milliers d'enseignants la comprennent et prennent en compte les recherches des sciences cognitives.

@NathalieCollard Doit-on revenir en arrière de 10 ans pour ceux qui ne comprennent pas ou continuer de les former?

@NathalieCollard Depuis quand l'Alliance des professeurs de Montréal représente TOUS les enseignants du Qc?

@NathalieCollard Les résistances au changement ont toujours existé, est-ce pour cela une bonne raison de reculer?

Nathalie Collard écrit :

@petitbenoit je ne suis absolument pas d'accord Après 10 ans, ce n'est plus une résistance au changement, c'est un constat d'échec.

Benoit Petit écrit :

@NathalieCollard Comment peut-on parler d'un échec alors que la «Réforme» n'a même pas encore fini son premier cycle?

@NathalieCollard Où sont études qui font la preuve de cet échec?

@NathalieCollard Je vous invite à rencontrer des enseignants qui font des miracles et qui sont catastrophés à l'annonce de ce recul.


Suite à cet échange, je demeure pantois dû au fait que le travail de journaliste, si bien fait soit-il, demeure très influencé par les expériences personnelles du journaliste lui-même. J'ai eu l'occasion d'entendre et de lire plusieurs journalistes et chroniqueurs au sujet de l'éducation. De toute évidence, ces personnes ne semblent pas avoir lu le Programme de formation de l'École québécoise et se permettent d'en déclarer l'échec avant même que ces changements ne soient entièrement mis en place et sans que des études sérieuses n'aient eu le temps d'analyser les impacts réels du Renouveau pédagogique.

Tout un chacun peut se prétendre spécialiste en éducation. Il en est autrement que de se former, étudier et comprendre la complexité de l'enseignement. Avant de porter des jugements rapides sur la valeurs des changements amorcés depuis 10 ans au Québec, il serait peut-être utile de chercher à comprendre en quoi les sciences de l'éducation et les sciences cognitives ont amené à mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et les activités d'apprentissage.

Ces changements sont exigeants; le travail n'est pas terminé; des améliorations sont souhaitables. Toutefois, ce n'est pas en se réfugiant dans la sécurité du bon vieux temps et des bonnes vieilles méthodes que notre système d'éducation et notre société toute entière vont évoluer.

4 commentaires:

BN LaTeX a dit...

Bonjour,
Je suis étudiant en enseignement en quatrième année, plus précisément en stage actuellement. La question que je me pose par rapport à la réforme est : « Est-ce que le problème ne vient pas plutôt de la manière dont la réforme est appliquée, que la réforme elle-même ? » Il y a l'esprit de la réforme, et il y a la lettre, la manière dont elle est appliquée, la manière dont elle a été comprise par les enseignants, et je pense que la discussion tourne plutôt autour de ce deuxième point. Il ne s'agit pas seulement de faire une réforme, mais d'accompagner également l'enseignant. Et je n'ai pas l'impression que cela a été le cas. On n'impose pas un nouvel outil informatique sans un minimum de formation et de suivi. Pourquoi, cela ne serait pas le cas lorsqu'il y a un tel changement de paradigme ?
Personnellement, dans les cours que j'ai eus, on n?a jamais eu d'espace où on a pu débattre autour de la réforme. C'était plutôt, voilà la réforme, appliquez là. Je trouve l'idée de la réforme intéressante, la mise en pratique vraiment intéressante, mais les textes totalement indigestes. Balancer une réforme, sans accompagner ceux qui sont concernés, les enseignants, et c'est l'impression que j'ai, je ne trouve pas cela respectueux. Se retrouver en stage de quatrième année, prendre à 100 % la tâche de l'enseignant, et n'avoir aucune compensation financière, en en plus je dois payer pour mon stage, mes crédits universitaires, je ne trouve pas cela respectueux. Ce n'est pas la réforme qu'il faut réformer, mais bien le ministère de l'Éducation.
Et puis, je n'arrive toujours pas comprendre le rôle des commissions scolaires. À quoi sert toute cette hiérarchie et bureaucratie ? C'est comme les journées pédagogiques : pourquoi prendre cela sur le temps des élèves ? Je trouve vraiment compliqués comme système de gestion des jours. Ce n'est pas la réforme qu'il faut réformer, mais c'est tout le reste. Et ce qu'il faut, c'est une revalorisation du métier, et je ne parle surtout pas de salaire, mais de comment le métier est perçu par la société. Voilà, la réforme qu'il devrait y avoir !
Concernant les enseignants qui comprennent la réforme, je me demande si ne s'agit pas d'enseignants qui étaient déjà dans l'esprit de la réforme avant la réforme, des enseignants qui n'attendent pas la réforme pour remettre leur pédagogie en cause.

Benoit Petit a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Benoit Petit a dit...

Merci pour vos commentaires!

Pour avoir déjà travaillé pour le MELS et pour travailler actuellement dans une commission scolaire, j'apporterais certaines petites nuances.

Tout d'abord, il est facile d'accuser le MELS, car le MELS, ce n'est « Personne ». Il y a le politique, qui a des intérêts politiques et qui est le fruit de nos choix de société, entre autres choses, la démocratie. C'est pourquoi, il est important que tout citoyen s'exprime s'il perçoit que le « politique » s'éloigne du peuple. Il y a les employés, qui, pour la plupart, sont des personnes très engagées et dévouées. Il y a aussi toute la structure entre les deux qui, elle, pèse parfois très lourdement.

Concernant les commissions scolaires, ces structures deviennent parfois lourdes elles aussi. Toutefois, elles permettent d'offrir une panoplie de services aux écoles; services que ces dernières n'auraient pas toujours les moyens de s'offrir. Ces structures politiques méritent probablement des améliorations, mais sur ce terrain, je ne m'aventurerai pas.

Les changements qu'apporte le renouveau pédagogique ou la « Réforme » sont parfois exigeants. Il est probablement plus facile à celles et ceux qui avaient déjà des pratiques influencées par la recherche en science de l'éducation de les mettre en pratique. Toutefois, le plus gros changement est dans la manière de voir l'enseignement. Plusieurs pratiques « du bon vieux temps » sont encore valables.

Sylvain a dit...

Je crois aussi que les enseignants qui lisent et s'auto-forment déjà ont eu plus de facilité... Pour les autres, il n'y a presque pas ou pas du tout eu de formation adéquate, alors ceci explique en grande partie ce sentiment d'échec face à la Réforme...

Pour ce qui est de madame Collard, on a une preuve de plus que l'objectivité totale demeurera toujours un concept, une théorie, un idéal à atteindre, mais qu'on n'atteint jamais vraiment, parce qu'on est humain au départ et qu'un humain, c'est tout sauf objectif ;-)

Ce qui est plus désolant par contre, ce sont les généralités: l'Alliance, c'est pas tout le Québec (et le Québec, c'est pas juste Montréal, mais ça, c'est un petit glissement de ma part) / La Réforme, c'est d'la... substance brune est aussi un autre exemple de généralisation à partir d'un trop petit exemple qui prend des proportions gigantesques au point de prendre tout l'espace du jugement, etc.

Dire que je m'enlignais pour 2 courtes phrases en commençant ce long commentaire ;-)))